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L'immobilier sans détours

RÉvoquer un mandat d’agent immobilier avant son ÉchÉance

  La révocation du mandat et l'indemnisation de la parte de chance
Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble … ( art 2004 du code civil) (2).
Cependant, la révocation d’un mandat avant l’échéance convenue est abusive, et donc constitutive d’une faute. Elle ouvre droit à réparation du dommage causé qui peut concernant le mandat d’agent immobilier, correspondre à la perte d’investissements, et à une perte de chance de percevoir une commission.
La perte en investissements porte généralement sur les propriétés d’agrément de plusieurs millions d’euros qui ne concernent pas notre région, ou un ensemble de lots, cas qui sont hors notre sujet.
La perte de chance réparable se définit par la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ( Cass 8 mars 2012).
Si la révocation intervient alors que le mandataire est sur le point d’accomplir sa mission d’une manière certaine avec accord établi sur la chose et le prix, la révocation va avoir pour conséquence de le priver des fortes chances qu’il avait de réaliser le bénéfice légitime de son mandat. Le dédommagement sera alors en toute logique équivalent à la commission perdue, et le plus souvent conformément à une clause pénale.
Par contre, si la vente devait avoir lieu sous la condition du bénéfice de rétractation ou d’obtention d’un prêt, la chance s’en trouve fort diminuée et la réparation ne peut être équivalente à la commission prévue.
Une perte de chance réparable pourra aussi être caractérisée par l’impossibilité de donner suite aux visites effectuées par un acheteur intéressé. Il conviendra donc de révoquer le mandat en respectant un préavis permettant à l’agent immobilier de prendre les dispositions nécessaires pour ne lui causer aucun préjudice de ce fait, et de lui réserver les suites d’une visite effectuée pendant son mandat.

Le cas qui nous occupera plus souvent est celui de la révocation anticipée du mandat non exclusif sans qu’une négociation soit en cours ou même qu’une visite prometteuse se voit privée d’effets.
Il s’agit alors d’une perte de chance réduite à celle de trouver un acquéreur avant ses concurrents, et que la vente soit conclue.
Si une telle perte de chance est en principe réparable, il appartient au mandataire de la prouver.
Or, ce dernier ne pourra la prouver si le le bien se vend finalement à un prix sensiblement inférieur au mandat comme c'est souvent le cas du seul fait d'une surévaluation ou d'une différence importante du barème de commission pratiqué.

  Le mandat de vente exclusif
L’exclusivité sur la vente se justifie par l’assurance donnée à l’agent immobilier de pouvoir mener une mise en vente à l’abri des effets pervers de la concurrence. Il peut ainsi proposer un prix relativement élevé et ajuster celui-ci à la demande sans voir un concurrent le proposer à un prix moindre pour devancer les autres au détriment du vendeur.
Le préjudice résultant d’une révocation abusive sera donc plus important si l’agent immobilier s’est investi sur la mise en vente en faisant paraître des publicités et fait visiter au prix fort en vue de l’ajustement du prix par la suite. Dans ce cas, il conviendra pour être honnête, de respecter un préavis lui permettant de bénéficier de ses chances prévisibles de conclure, ou de prévoir un dédommagement réel.
Cette justification ne se traduit pas toujours dans les faits ; lorsqu’il est obtenu en flattant le vendeur dans son espoir d’obtenir un prix élevé, le mandat est économiquement nul, et la perte de chance réduite à néant.

De plus le mandat exclusif devrait justifier une remise sur le montant de la commission au prorata de la réduction du risque de travailler en pure perte. Or il s’agit souvent au contraire de mettre le montant élevé d’une commission à l'abri de la concurrence.

Dans ces deux cas, la clause d’exclusivité seule, peut faire l’objet d’une révocation justifiée, non dommageable pour l’agent immobilier, et donc sans devoir de dédommagement.

  La révocation de la clause d’exclusivité sous réserve de ce qui précède.
   La révocation de la clause d’exclusivité sans révocation du mandat se traduit par une perte de chance liée à l'exclusivité, mais une part de chances est conservée. Or la perte de chance se mesure à l'aune de la probabilité de conclure en fonction d'une éventualité favorable et non en fonction de la probabilité de rencontrer cette éventualité. Dès lors, la perte de chance est incertaine et n'ouvre donc pas droit à réparation.

  Le mandataire ne doit pas être fautif
Une faute du mandataire peut justifier sa révocation immédiate. Une telle faute ne peut être d’avoir seulement omis de laisser une lumière allumée, mais doit être essentielle.
La faute la plus couramment commise est l’acceptation d’un mandat économiquement nul pour être quasiment impossible à accomplir du fait d’un prix ne correspondant pas à la valeur du bien. Non seulement le mandataire ne peut se prévaloir d’un préjudice pour révocation abusive, mais cette dernière pourra avoir lieu sans préavis.
Lorsqu’un tel mandat est accepté dans le cadre d’un prêt lui-même conclu pour un achat avec la même agence, la faute ouvre en outre droit à dédommagement du vendeur.

  Des clauses pénales
La clause pénale est justifiée lorsqu’il s’agit de préserver l’agent immobilier de comportements abusifs de la part de son mandant. Par contre, elle est réduite par le juge lorsque celle-ci est manifestement excessive, et notamment en le préservant exagérément d’un préjudice nul ou quasiment nul.
L’agent immobilier poursuivra à juste titre le mandant si une révocation prématurée lui fait perdre une chance sérieuse de conclure, il ne le fera pas valablement s’il n’est pas en mesure de la démontrer.
Par ailleurs, l’insertion dans le mandat d’une clause pénale prévoyant en tout état de cause un dédommagement à hauteur de la commission en cas de révocation anticipée, est fautive pour tromper le mandant sur ses droits.

   Le cas particulier du mandat de recherche exclusif – nul par nature, dolosif par essence –
Un mandat est le pouvoir donné à un mandataire de réaliser des actes juridiques, et non de réaliser des actes matériels ou prestations de service. Or, « rechercher » relève de la prestation de service et non du mandat. Un « mandat de recherche » est donc nul par nature

  Une confusion qui poursuit deux buts :
1/ La loi interdisant à l’agent immobilier de percevoir toute rémunération sur la vente d’un bien hors du cadre du mandat, il ne peut pas recevoir de rémunération pour une prestation de service de recherche de bien en vue d’un achat. 
Il s’agit donc en dénommant mandat ce qui n’en est pas vraiment un, de doter l’agent immobilier du mandat qu’il doit détenir pour justifier une rémunération. Il n’y a rien ici d’immoral en soi, et la jurisprudence ne semble pas avoir suivi le problème de qualification du contrat.
2/ Si ce mandat se justifie en pratique lorsque la prestation de service est effective, il relève du dol s’il s’agit d’obliger un acheteur à passer par l’agence pour acheter un bien qui est déjà sur le marché ou y viendra sans intervention du mandataire.
De plus, l’agence à succursales multiples bien connue pour pratiquer ce qu’il convient d’appeler une arnaque, est aussi notoirement des plus chères.
Sauf recherche réelle et effective d’un bien qui ne viendrait pas naturellement sur le marché, un tel mandat sera révoqué purement et simplement, et même dénoncé à la DGCRF.

  Là où mandat exclusif et mandat non exclusif divergent
Le mandat de recherche exclusif relevant le plus souvent de l’escroquerie, ne doit pas être confondu avec des pratiques parfaitement licites et en rien dolosives qui sont celles :
    -   Du mandat de recherche ou d’achat simple devant être suivi du « bon de visite » par affaire visitée, 
    -   Du mandat d’achat exclusif portant sur un bien déterminé, mandat qui regroupe en fait le mandat dit « de recherche » simple, et le « bon de visite ». 
C’est de la pratique courante de ces derniers dont se joue la pratique abusive des premiers.


1/ Un commentaire d’arrêt paru dans le magazine « L’Agence » de sept 2013, rédigé pour plaire aux agences, est trompeur quant au motif essentiel du rejet, et tendancieux sur le principiel. 
2/ On devrait dire "résiliation du mandat" et "révocation du mandataire", mais le code civil faisant lui même la confusion, nous aurons du la suivre.

 

 

Xavier NEBOUT

23 Avril 2020

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